Joseph Fourage

Le 19 octobre 2016, Joseph Fourage est décédé à l'âge de 90 ans.

Retour sur le parcours de cet homme qui a été l'un des artisans du Mouvement Leclerc au lendemain de la scission.

De la boucherie au Mouvement E. Leclerc

Après une formation en boucherie, J. Fourage commence sa carrière dans une entreprise familiale de vente de matières premières (levure, farine…) aux boulangeries. Quatre ans plus tard, il ouvre coup sur coup deux boucheries. Déjà doté d'un solide esprit d'entreprise, il accepte de prendre en charge, en plus de ses deux boucheries, un petit stand de viande dans une supérette Egé, enseigne aujourd'hui disparue qui groupait des commerçants indépendants. Sollicité par d'autres gérants, il se retrouve progressivement responsable d'une dizaine de stands "boucherie" de supérettes Egé.

J. Fourage se lie d'amitié avec deux responsables de supérettes Egé, André Jaud et Michel Payraudeau. En 1968, A. Jaud souhaite ouvrir une plus grande surface (450 m2) et à cette occasion, rejoint le Mouvement Leclerc. Les 3 amis créent alors ensemble une société immobilière, "JPF" pour "Jaud, Payraudeau, Fourage". Ils décident que chacun montera son propre magasin. Aussi, en mars 1969, J. Fourage ouvre un premier centre Leclerc à Nantes, à Saint Herblain. Le magasin s'étend alors sur 1200 m2.

"Aujourd'hui, quand vous regardez les adhérents Leclerc,  à part quelques-uns, ils ont tous réussi. Rétrospectivement, on sait que c'était obligatoire de réussir… mais à l'époque où j'ai commencé, on ne savait pas ce qui nous attendait. On prenait vraiment des risques !"

Heureusement, le succès était d'emblée au rendez-vous :

" Nous avions très peur, ma femme et moi, de ne pas pouvoir mener à bien ce projet. Il nous fallait emprunter 90 millions de centimes pour acheter le terrain et construire. On a donc emprunté auprès de nos familles car les banques à l'époque ne prêtaient pas à ce genre de commerce.  On s'était dit : si on n'y arrive pas, on pourra y faire une salle de danse ou de mariages. A l'époque, il fallait absolument dépenser le moins possible, alors nous faisons tout : les étagères que l'on passait au brou de noix, la ferraille que l'on achetait nous-même, les murs que l'on blanchissait à la chaux… on avait donc un prix de renvient ridiculement bas. La veille de l'ouverture, il pleuvait et nous avons pensé n'avoir personne, hormis les enfants puisque nous ouvrions un jeudi. En fait, c'était l'affluence, à tel point que nous avons dû fermer les portes pour canaliser les entrées."

Nantes, un bastion Leclerc

Fort du succès de son premier magasin, J. Fourage en ouvre un second en mai 1971, Paris Distribution, dans le quartier de la Bottière, toujours à Nantes. Le magasin s'étend alors sur 2500 m2 et fait partie des premiers hypermarchés du Mouvement. Il va ensuite régulièrement agrandir ses magasins.

Sur l'impulsion des 3 adhérents nantais, M. Payraudeau et J. Laury et J. Fourage, Nantes devient rapidement la ville de France qui compte le plus (jusqu'à 6 !) de points de vente Leclerc et celle la moins chère de l'Ouest. L'émulation entre les adhérents Leclerc nantais, explique les prix particulièrement bas pratiqués dans les magasins Leclerc de cette région.

Un adhérent impliqué au niveau national

J. Fourage a, par ailleurs, été très impliqué dans les outils collectifs. Il fait partie des adhérents fondateurs de la Scaouest et de ceux qui ont largement contribué à la reconstruction et au développement du Galec.

Par ailleurs, sa formation de boucher le prédisposait à prendre en charge le redressement des abattoirs Gilles qui prendront rapidement le nom de Kermené. Avec l'usine d'embouteillage Aquamark, il s'agit de la seule incursion du Mouvement dans le secteur agro-alimentaire. Main dans la main avec Hervé Aubé, le directeur du site, J. Fourage a développé et diversifié les activités de Kermené.

Enfin, il a été est un membre influent de la commission inter-régions, qui était l'organe de pilotage du Mouvement avant la mise en place du comité stratégique en 1998.

Un fervent défenseur de la philosophie du Mouvement

Au moment de la scission, il fait partie des rares adhérents de la Scalo, l'ancêtre de la Scaouest, à être resté fidèles à E. Leclerc. Le parrainage est alors mis en place afin d'assurer la reconstruction et l'expansion du Mouvement. J. Fourage fait partie des adhérents qui ont parrainé le plus de candidats. En ce sens, il a été un acteur déterminant de l'expansion du Mouvement dans les années 1970 et 1980. C'est dans sa filière d'origine, la boucherie, qu'il est allé chercher des candidats au lendemain de la scission. Ainsi, sur son impulsion, de nombreux bouchers ou responsables de rayon boucherie dans des centres Leclerc vont devenir adhérents Leclerc.

Concernant les prix, Joseph Fourage se voulait exemplaire, appliquant à la lettre la doctrine Leclerc. En 1974, à propos du magasin Carrefour ouvert à 1500 m2 de son magasin de la Bottière, J. Fourage déclarait : " je n'admets pas qu'il est un prix plus bas que moi !". De fait, les Leclerc nantais sont considérés comme dangereux par le gérant de l'hypermarché Carrefour qui expliquait en 1974 : "Quand on est arrivé ici il y a deux ans, on considérait Record comme notre principal adversaire. Mais on s'était trompé d'ennemi. C'était les Leclerc qu'il fallait surveiller de près".

Bien qu'adhérent exemplaire, J. Fourage ne s'est jamais départi de sa liberté d'esprit. En 1988,  contre l'avis d'Edouard Leclerc, il ouvre, à l'occasion du transfert de son magasin de Saint Herblain, une des premières galeries commerciales du Mouvement.

Sa reconnaissance envers Edouard Leclerc, dont il était d'ailleurs l'un des lieutenants, était infinie :"J'ai une situation au-delà de ce que je méritais. Et cela, je le dois à M. Leclerc" disait-il, humblement. Il n'en retse pas moins qu'il fait partie de cette poignée d'hommes, issus de la seconde génération d'adhérents Leclerc, arrivés au moment de ou après la scission, sans qui le Mouvement E. Leclerc ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.